Je me considère très chanceuse d’être née à Montréal tout en étant très fière de mes origines chinoises. Être née à Montréal me permet de profiter d’une culture diversifiée, ouverte et cosmopolite, où plusieurs communautés cohabitent et partagent leurs traditions. En parallèle, mes racines chinoises représentent une part essentielle de mon identité. Elles m’ont transmis des valeurs fondamentales telles que le respect, l’importance de la famille et le travail acharné.
J’ai la chance d’être enracinée dans deux cultures riches, qui m’offrent une perspective unique sur le monde. Cette double appartenance nourrit mon ouverture d’esprit et ma fierté. La fusion de ces deux cultures m’a façonnée et m’a permis de devenir la personne que je suis aujourd’hui. Cependant, cela ne signifie pas que tout a toujours été sans heurts.
Avec du recul et une certaine transparence, si je devais identifier un domaine où mes deux cultures ont parfois « crashé », ce serait au niveau de la communication. J’ai pris conscience de cela durant ma formation au CRAM, où j’ai découvert la notion de communication authentique. Dans ma culture d’origine, la communication est souvent indirecte. Les choses sont fréquemment exprimées de manière implicite, et il existe une tendance à éviter la confrontation ou à ne pas exprimer directement un désaccord.
Ce style de communication, bien que respectueux et attentif aux émotions des autres, peut parfois mener à des malentendus ou à des frustrations non exprimées. En effet, la culture asiatique accorde souvent plus d’importance aux autres qu’à soi-même. Il est fréquent de chercher à faire plaisir aux autres, parfois au prix de nos propres besoins et ressentis. Cela peut rendre difficile l’existence personnelle au sein d’une relation, car on sacrifie souvent ses propres désirs pour éviter le conflit ou pour maintenir l’harmonie.
Apprendre à adopter une communication plus directe et authentique m’a aidée à trouver un équilibre entre ces deux mondes, me permettant ainsi de naviguer avec plus de clarté dans mes relations, tant personnelles que professionnelles. Cette prise de conscience a été essentielle pour harmoniser ces deux aspects de mon identité.
Il faut aussi noter l’imporance du respect de la hiérarchie dans la culture chinoise. Le respect envers l’autorité, les aînés ou les personnes de rang supérieur crée parfois une barrière considérable à une communication authentique. Nous adoptons souvent une attitude modeste, de peur de prendre trop de place ou d’éviter les malentendus. Le respect occupe une place centrale dans les interactions sociales, mais cette attention excessive à la hiérarchie et aux autres peut parfois m’empêcher d’établir des relations profondes. Il devient difficile de nommer les choses de manière concrète, sincère, avec émotion et sensibilité.
Le fait d’être née à Montréal m’a également façonnée différemment. Ici, la communication est plus directe, et cette franchise contraste souvent avec les attentes de ma culture d’origine. En raison de cette différence, je suis parfois perçue comme un « mouton noir » au sein de ma communauté. Ce décalage entre la modestie attendue dans la culture chinoise et mon style d’expression plus direct, influencé par la société occidentale, crée parfois des tensions internes.
Cependant, cette différence, loin d’être un défaut, m’a permis de forger une identité unique. Je suis capable d’adapter mon style de communication selon le contexte, tout en cherchant un équilibre entre respect et sincérité. Apprendre à naviguer entre ces deux mondes m’a donné la force de trouver ma voix et de cultiver l’art de la délicatesse dans mes échanges, sans sacrifier mon authenticité.
Aujourd’hui, je vois mon côté « mouton noir » comme une force plutôt qu’une faiblesse. C’est ce qui me permet de m’affirmer, de poser des questions et d’ouvrir des dialogues que d’autres éviteraient par souci de respect ou par peur de déranger. Montréal m’a appris à donner une voix à mes émotions, tandis que mes racines chinoises m’ont inculqué l’importance de la retenue et de la réflexion. Cette dualité, bien qu’elle soit parfois source de tension, m’apporte aussi une richesse intérieure que je valorise profondément.
Pour conclure, j’aimerais souligner l’importance de la communication authentique. Pouvoir s’exprimer et exister pleinement dans une relation est un atout précieux. Cela inclut bien sûr la communication quotidienne, mais surtout celle qui intervient lors des conflits. Communiquer ne signifie pas accuser ou pointer du doigt l’autre pour lui attribuer la responsabilité de notre inconfort ou de nos malheurs. Communiquer, c’est exprimer ce que l’on ressent avec responsabilité et sensibilité. Sans une communication claire, les non-dits s’accumulent, et c’est à ce moment-là que les problèmes commencent à émerger.